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  • Photo du rédacteur: Eric Deboutrois
    Eric Deboutrois
  • 17 janv.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 févr.

A quelques jours de mettre la clef sous la « porte » de 2024 (j’avais d’abord intitulé ce papier « this is the end ») et non sans un peu de nostalgie qu’il fallait apaiser je dois le reconnaître, j’avais planché sur un bout de notre petite histoire pour essayer de mieux la comprendre.


Il était une fois


La seconde moitié des années 80 révolutionna les techniques de pêche de la carpe, accompagnée d’une médiatisation inédite. Elle commença avec l’article d’Henri Limouzin intitulé « un cheveu pour la carpe » publié en février 82. En juin puis en octobre 1985, toujours dans la Pêche et les Poissons, Henri publiera deux dossiers très complets pour l’époque (carpes à l’anglaise : techniques ultra-sophistiquées / les montages à carpe anglais : on peut leur faire confiance). Les techniques évoluaient en effet différemment selon que l’on soit sur l’île ou sur le continent, notamment à cause des syndicats et de la pression de pêche outre-Manche. Les anglais n’ont pas tardé à s’intéresser aux (grosses) carpes françaises et accessoirement au marché connexe. En 1988 paraissait l’édition française de Carp Fever (de Kevin Maddocks), ainsi que le tout premier livre « français » dédié aux techniques modernes, La carpe, le cheveu, la bouillette de Jean Louis Bunel et Cor De Man. En 1989 Didier Cottin publiait Carp’passion. En 1990 Henri Limouzin et Dominique Audigué co-écrivaient La carpe poisson de sport… Compte tenu du regain d’intérêt manifeste pour la pêche de la carpe d’une part et suite à la disparition de Jo Nivers de l’autre, Henri proposa à Didier Cottin de prendre le relais de Jo afin de répondre aux questions des lecteurs dans « Carpe service », ce que Didier fera à partir d’avril 1990.


L'âge d’or des revues spécialisées


Dans les années 90 une page blanche s’ouvrait donc à nous. Tel un palimpseste il fallait (presque) tout désapprendre, redécouvrir, réécrire, réapprendre… En 1992, l’arrivée en kiosque de Carpe Magazine (et de Média Carpe initialement revue de la FFPC section carpe puis magazine grand public en 1994), fit écho à une demande grandissante des pêcheurs et à un marché en plein développement. Nouvelles approches, nouvelles cannes, nouveaux montages, nouveaux appâts… Tout le monde allait y trouver son compte, auteurs, pêcheurs, annonceurs... C’est incontestablement la conjonction de ces intérêts qui a fait l’âge d’or des magazines dont l’offre va s’agrandir avec Top Carpe, Carpe Record, Carpe Scène Collector, Carpe Passion, Carpe Challenge, Carpe Nature, Carpe Scène Starter…

L’effet ciseau avec l’arrivée d’internet.

Fin des années 90, début des années 2000, arrive internet, les blogs, les premiers forums. Ce nouveau média ouvre la fenêtre de l’information sur le monde et la communication à tous et in fine à n’importe qui, ce qui dit ainsi peut sembler hautain. Concrètement peu de pionniers perdaient leur temps sur le net, préférant courir les berges, engrangeant l’expérience ensuite partagée dans les revues et dans quelques cassettes vidéos. Le magistère restait du coté de la presse écrite, pour quelques temps encore. Assez logiquement les générations X, Y se sont emparées du numérique. Avec YouTube, Facebook, Instagram, Tiktok etc, les « influenceurs » apparaissent. Le message change. Le partage de connaissances s’estompe assez rapidement au profit du marketing. Vers 2010 les marques qui détenaient le leardership (Korda en tête) surfent de façon visionnaire sur ce changement de paradigme ; elles investissent dans du contenu multimédia de qualité, gratuit, largement diffusé tant sur le net qu’en DVD.

Elles captent et inspirent ainsi une nouvelle génération de carpistes, de plus en plus connectée. Les marques ont non seulement recruté et propulsé la notoriété de ces pêcheurs-influenceurs, mais aussi ré-internalisé la pub et les budgets dédiés, s’affranchissant petit à petit du rédactionnel des revues pour écrire selon leur propre ligne éditoriale. Bon nombre d’auteurs prennent le virage du numérique que ce soit par passion de l’image et/ou pour y cultiver leur visibilité et celle de leurs sponsors. La boucle était presque bouclée.


Le fishporn


Pour les néo notoriétés il fallait, pour être monnayables et intéresser les marques, cumuler des vues et enchaîner les clics, ce qui impliquait d’alimenter le plus régulièrement possible ses réseaux. C’est le boom du « fishporn », celui d’un passage presque obligé par le privé afin d’y capturer des gros poissons (« des gros seins, des gros culs »), celui des faux lovers (likez, abonnez vous à la page et identifiez vos amis) qui deviendront à leur tour profilés par les algorithmes, au plus grand bonheur des GAFAM et des marques. Je l’ai écrit dans un de mes tous premiers papiers dans Média au début des années 2000 (obsessions, cf chapitre 3 d’Intégraal), mais d’autres (dont Philippe Lagabbe, article "carpistes anges ou démons") l’avaient dénoncé une petite dizaine d’années plus tôt. Je me suis souvent demandé quel était le moindre mal : passer par le privé ou pratiquer la politique de la terre brûlée (comme Maddocks au début des 90’) sur le public ? Qu’on le veuille ou non, au final on a eu les deux. Bref, avec l’offre croissante de contenu gratuit, l’addiction virale aux gros poissons et aux réseaux sociaux d’un côté et la perte des budgets d’une partie des annonceurs de l’autre, le modèle économique traditionnel des revues papier s’est effrité. Après deux décennies dorées et quelques 200 numéros, Carpe Magazine s’arrête en 2013. Les revues créées après 2000 survivront jusqu’en 2019 pour les plus résilientes. Média Carpe tiendra quelques années encore, jusqu’en cette fin 2024, avant d’être touchée (et coulée) par la liquidation du groupe TEMA.

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