De la noquette au cheveu
- Eric Deboutrois
- 15 févr.
- 3 min de lecture
Les pêcheurs ont longtemps pensé que l’hameçon devait être caché par l'appât, ce qui convenait d’ailleurs relativement bien tant qu’on utilisait des appâts plutôt mous (pâtes crues), et qu’on ne se posait pas trop de questions sur les touches ratées.
La noquette, il y a plus d'un siècle
Pour les esches à carpe les plus dures, les pêcheurs français avaient adopté depuis le début du siècle dernier le principe de la « noquette », qu’explique parfaitement Léon Ducluzeau (p49 et 50) en 1922.


La méthode était d'ailleurs assez répandue dans la première moitié du XXe siècle, puisqu'on la retrouve en néerlandais sous la plume d'Albert Wauters (Hengelen naar karper -pêche de la carpe - vers 1935)

Elle apparait également dans le livre du Dr Sexe (1936) puis dans les éditions de celui de Raoul Renault, 'La carpe, ses mœurs, ses pêches', publiées entre 1941 et 1977.

Comme nous l'avons vu, les allemands utilisaient la même méthode de la 'pêche au paquet' (Paketangel) du côté de Dresde dans les années 40 avec des pommes de terre (très probablement sans avoir lu Ducluzeau, son ouvrage n'existant - ou en tout cas ne nous étant parvenu - qu'à 3 exemplaires).
Ceci-dit la noquette française, le paquet allemand ou le "side hooking" anglais n'étaient pas vraiment des cheveux... A qui les doit-on ?
Le cheveu français (1965)
Faire des recherches consiste souvent à rembobiner l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. En l'occurrence, pour retrouver la 1ere trace du "cheveu", je suis parti de l'article "un cheveu pour la carpe" d'Henri Limouzin dans "la Pêche et les poissons" (1982) qui tenait de son ami André Ferré le souvenir d'un article de Michel Duborgel dans "Toute la pêche" (1965) qui tenait l'astuce de M Cugniet (officier de Police dans le 14e à Paris).

Grace à un internaute, j'ai effectivement retrouvé cet article de 1965, présentant la façon dont M Cugniet dissociait l’esche (un vers) de l’hameçon principal par un petit fil, ce qui lui permettait de pêcher fin tout en ayant un bas de ligne robuste pour sortir les tanches des herbiers.

Le cheveu anglais (1978)
Lenny Middleton s’est aussi posé des questions en observant des carpes cobayes rejeter les appâts piégés en aquarium. Au bout des quelques essais, il a pris le même contre pied en dissociant l’esche de l’hameçon et en les reliant avec un cheveu relativement long, représentant environ la distance de la bouche aux dents pharyngiennes. La carpe avalait ainsi le grain de maïs sans ressentir l’hameçon qui suivait en bouche.

Le fait de « faire autrement » a été le début d’une révolution, popularisée dans le livre « Carp fever » de Kevin Maddocks.

Sortir du cadre en ne cachant plus l’hameçon dans l’esche a également pris tout son sens en permettant l’utilisation d'appâts plus durs (graines et bouillettes). Pour autant le cheveu n’était pas la solution à tout. Kevin Maddocks écrit que dans les eaux surpêchées son usage intensif fait que la carpe n’a plus de mal à faire la différence entre un appât libre et celui du cheveu. Depuis, les pêcheurs n’ont cessé de chercher (et cherchent donc encore !) toutes les solutions possibles pour faire autrement.


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