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Fin des 80', début 90'

  • Photo du rédacteur: Eric Deboutrois
    Eric Deboutrois
  • 25 févr.
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 févr.

(Dans le post précédent) Les berges du lac de Saint-Cassien ont attiré un grand nombre de notoriétés anglaises (Rod Hutchinson qui en 1988 complètera son premier livre et publiera « Carp, Now and Then » en parlant des évolutions et de ses captures à Saint-Cassien , Steve Briggs, Max Cottis, Tim Paisley…) et beaucoup de spécimens hunters en quête d’une 30+ voire d’une 70+, selon que l’on parle en lb ou en kg.


Fin des 80' les techniques s'écrivent en français


Didier Cottin fut sûrement, avec son compère Gorges Cortay, un des français les plus au fait des nouvelles techniques apprises aux côtés des pionniers anglais, belges ou hollandais (les frères Van den Hooven, Sjef et Henk) qu’ils côtoyaient à Saint-Cassien.

Didier avec Moby-Dick (avec l’aimable autorisation de Didier Cottin)
Didier avec Moby-Dick (avec l’aimable autorisation de Didier Cottin)

En 1988 Didier y avait capturé de nombreux gros poissons, dont Moby Dick à 25,8 kg. La même année paraissait l’édition française de Carp Fever de Kevin Maddocks, ainsi que le tout premier livre « français » dédié à ces nouvelles techniques, La carpe, le cheveu, la bouillette de Jean Louis Bunel illustré par Cor De Man. JL Bunel, qui tenait un magasin d’articles de pêche boulevard Arago à Paris, était d’ailleurs le premier importateur en France de matériel carpiste et de pêche à l'anglaise.


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En 1989 Didier publie Carp’passion.

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En 1990 Henri Limouzin co-écrit avec Dominique Audigué La carpe poisson de sport

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(voir l'article de Julien Dalle sur la littérature carpe)


Compte tenu du regain d’intérêt pour la pêche de la carpe en cette fin des 80' et suite à la disparition de Jo Nivers, Henri Limouzin proposera à Didier Cottin de prendre le relais pour répondre aux questions des lecteurs de la Pêche et les poissons dans « Carpe service », ce que Didier fera à partir d’avril 1990 (en répondant notamment à M Léon H de Chalon/Saône ou encore à M Philippe L de Benheim :) )


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Toujours en 1990, quelques cassettes VHS (voir l'article de Fabrice Duhamel) sont commercialisées et tournent sur les magnétoscopes des néocarpistes, dont Adrénaline avec Didier Cottin et Georges Cortay (avec le release de Moby-Dick). Vêtus de leurs sweat-shirts aux couleurs orangées de D.C. Angling, ils apportent un vent de fraîcheur, montrent et expliquent comment faire des « boilies », avant de partir pêcher sur un lac, les Tabur II sur la galerie. Sort également, distribué par Vidéotel, Pêche à la carpe avec les frères Mahin ou encore La Carpe, un poisson fantastique (qui voit apparaître, entre autres, Hubert Lachize, membre de l’APPMA de Lyon, Tribun et pigiste qui, dans les années 2020, deviendra un émérite Youtubeur).


L’arrivée de la bouillette et du cheveu changea beaucoup de choses. Comme avant l’esche cachait l’hameçon, l’idée cohérente était jusqu’à lors de laisser le poisson l’avaler en toute quiétude jusqu’aux dents pharyngiennes où elle l’écraserait et se piquerait. L'idée générale était dont utiliser de longs bas de ligne (jusqu’à 1,20m!), des plombées coulissantes et de laisser filer la carpe avant de ferrer.

Désormais les bas de lignes devaient être raccourcis entre 15 et 30cm, les hameçons complètement dégagés de l’esche et les plombées fixes. L’avènement des montages dits de fuite permis à ce que rapidement le poisson se pique (ou pas) sur l’inertie du plomb et ainsi de réduire, pour ne pas dire éliminer, les fausses touches et, cerise sur le gâteau, de pouvoir relâcher ses prises hameçonnées en bordure de lèvre et non plus au fond de la gorge.


L'essor du no-kill et d'une pêche modernisée


On relâche de plus en plus ses prises, on parle du no-kill qui ne se résume plus seulement à remettre le poisson à l’eau parce qu’on ne sait qu’en faire après l’avoir encordé (si si). Tout est maintenant pensé pour limiter les blessures du poisson, la mise à l’épuisette, le décrochage de l’hameçon, la préservation des nageoires, le recours à un matelas (terme plus joli et plus épais que "tapis") de réception ou à défaut à un petit bateau pneumatique ou même le bed-chair (lit de camp) du pêcheur recouvert d’une toile mouillée pour préserver le mucus de sa prise en sont les bases, pour se terminer par la remise à l’eau, en déplaçant le poisson dans un sac de conservation (le « brancard » - retention sling - n’existait pas encore) fermement maintenu pour éviter toute chute accidentelle au sol.


Beaucoup de pêcheurs s’intéressent à l’aspect matériel qui a aussi beaucoup évolué. Les cannes « anglaises » héritières de celles de Walker, disposées en batterie sur des supports, les écureuils (monkeys-climbers), les détecteurs électroniques etc. séduisent les plus jeunes et redore le blason d’une pêche modernisée.

D’autres s’interrogent, sentant venir « une montée de sophistication inutile » comme l’écrit Didier, dissociant l’apport indiscutable du cheveu et de la bouillette et des graines exotiques d’un côté et le matérialisme de l’autre. Comme dit par ailleurs, ce matériel était d’ailleurs assez compliqué à trouver à cette époque, à moins d’aller boulevard Arago ou chez WaterSportcentrale.



La Carpe Society France et la FFPC Carpe France


En 1989, d’autres pionniers comprennent l’intérêt d’accompagner le changement, d’acculturer et de fédérer en investissant le milieu associatif, suivant l’exemple de la Carp Society anglaise. La Carp Society France est donc créée, Michel Thirot en sera le secrétaire général coordinateur, Jon Burrows le président (il décédera dans un accident de la route en avril 92), Michel Mahin le vice-président, Bernard Rivaux le trésorier, Thierry Fontaine le secrétaire adjoint.


En 1991 l’association deviendra une section de la FFPC (FFPC Carpe France), présidée par Michel Mahin, Michel Sotteau vice-président. Après la présidence de Michel Mahin (1991-1996), viendront celles d'Hervé Delcroix (1997-2004), de Franck Volle (2005-2009), puis de Fernand Decastro (2010). Les présidents de régions sont Philippe Lagabbe (pour l’Alsace), qui écrira « la bible du carpiste moderne » dans Pêche Pratique, Philippe Mahin (Centre), Hubert Lachize (Rhône-Alpes) et Christian Grohens (Franche-Comté), un des pionniers du Der.

Le nombre de carpistes augmente et ils se fédèrent un peu partout en France au sein de clubs, afin de partager leurs connaissances. Beaucoup se retrouvent en 1991 au premier forum de la FFPC à GIEN, où quatre autres suivront, avant de déménager sur Montluçon à partir de 2000.


Presse spécialisée et lobbying pour la pêche de nuit


En 1992 la médiatisation se poursuit avec l’arrivée des premières revues spécialisées en kiosque, Carpe Magazine (rédacteur en chef Christian Gustin) et Média Carpe (Bernard Rivaux), revue de la FFPC section carpe. Les visions sont divergentes, notamment en matière de pêche de nuit (PDN). Entre les deux le torchon brûle, allumé dans le n°3 de Carpe Magazine par un billet d’humeur sur la FFPC titré « secte ou section ?». Sotteau répond par un « coup de gueule » dans le n°3 de Média carpe (alors encore revue semestrielle de la FFPC). Là où Carpe Mag’ (depuis son n°1) demande aux instances de se dépêcher à accorder la PDN afin de stopper l’hémorragie de pêcheur, et aux carpistes de rentrer dans les bureaux des AAPMA (édito n°3), la FFPC section carpe, par la voix de son président répond par la négative à l’éventualité d’accorder la PDN à tous les carpistes et défend plutôt l’idée d’une licence PDN pour environ 200 francs (30€) par an.


Dans la Pêche et les poissons (juin 1985) Henri Limouzin avait déjà enfoncé le clou, après avoir suivi Paul Régent, le premier tour opérator à Saint Cassien, en reconnaissant que nous avions alors 15 ans de retard par rapport aux techniques des anglais qui, par ailleurs, pratiquaient déjà depuis longtemps la pêche de nuit, largement autorisée en Grande-Bretagne. Dans un article intitulé « Pêcher la très gros carpe » Henri indique qu’en Angleterre, Hollande et Allemagne, pêcher la carpe c’est un siège qui peut durer 1 mois en restant jour et nuit à côté de ses cannes. En France, seules quelques rares eaux-closes comme le lac de la ZUP à Chalon-sur-Saône (1988/89), Fishabill (privé créé en 1989 par Raphaël Faraggi) ou encore le plan d’eau de la Chaume à Azérables étaient ouverts à la PDN. C’est sur ce dernier que s’était déroulé un des premiers enduros et qu’avait été tournée en 1990 la VHS La carpe, le jour et la nuit avec Dominique Audigué.


de G à D : Didier Cottin, Henri Limouzin, Jean-Louis Bunel, Philippe Lagabbe et Philippe Chaufour (camarade de pêche de Dominique Audigué). Avec l’aimable autorisation de Philippe Lagabbe.
de G à D : Didier Cottin, Henri Limouzin, Jean-Louis Bunel, Philippe Lagabbe et Philippe Chaufour (camarade de pêche de Dominique Audigué). Avec l’aimable autorisation de Philippe Lagabbe.

L'affaire Audigué


D’ailleurs, la même année « L’affaire Audigué » sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. En août 1990, vers 22h30, Dominique est interpellé en action de pêche par un commando de trois gardes-pêche de l’Office National de la Chasse et par le garde-chef de la fédération départementale, la main sur l’étui du pistolet, comme s’ils traquaient un véritable criminel. Daniel Maury titrera d’ailleurs son édito de février 1991 « Pêche de nuit, bientôt un crime ! ». La scène dure plus d’une heure et se termine par la confiscation du matériel et par celle virtuelle de la voiture ! La manière n’y était clairement pas et la cible facile, en tout cas un peu plus que les véritables braconniers qui pillent notre domaine public et s’en sortent trop souvent les cuisses propres, j’y reviendrai. Dominique est donc verbalisé pour pêche de nuit, exclu du conseil d’administration de de la fédération de la Vienne, avant de recevoir une lettre avec AR lui réclamant 550 francs à titre de réparation civile par voie « amiable ». Dominique refuse toute transaction et, pour faire éclater l’affaire au grand jour, choisit d’aller au tribunal. En février 91, Daniel Maury termine son édito par « en refusant aux pêcheurs honnêtes et sportifs de pratiquer comme ils le souhaitent, vous les envoyez tout droit vers les eaux closes privées. Pour autoriser la pêche de nuit il faut changer la loi ? Faites-la changer. » En avril 1991, Dominique écopera de 30 francs d’amende. Après avoir rappelé cette affaire dans le n°3 de Carp Magazine, Christian Gustin lance un formulaire de pétition en faveur de la pêche de nuit.


Anges ou démons ?


Si bon nombre de carpistes se fondent dans la nature pour pratiquer leur passion, espérant ainsi d’échapper à la garderie, d’autres pratiquent la politique de la terre brûlée. En 1993 Kevin Maddocks tourne et diffuse deux VHS : Carpes géantes de la Forêt d’Orient et Les carpes du lac du Der (rééditée en 1996 sous un titre plus racoleur : Les spécimens records du Der ). Sur cette dernière vidéo un compteur tourne au rythme des kilos de carpes brassées. Philippe Lagabbe après avoir écrit la bible des carpistes, ajoute quelques versets sataniques dans un article intitulé « carpe : pêcheurs anges ou démons ». Il dénonce, au-delà d’un scenario essentiellement commercial pour une marque de bouillettes, le fait que ces VHS, une fois diffusées en Angleterre drainent en héritage (ici comme sur les 150 plans d’eau référencés dans le guide Beekey de Maddocks) la lie des pêcheurs démunis de sensation et de l’esprit des pionniers. Il a foi dans le carpiste français, refuse le business, espérant que « le syndrome de l’anglais qui fut un temps matière à référence, soit une maladie dont on puisse guérir ». L’article est conclu par une note de la rédaction (probablement de Paul Boyer), on ne peut plus juste : « La pêche de la carpe vit un paradoxe [elle mord de nuit] et ses pratiquants un dilemme [pêcher de nuit ou pas?]. Quant à la rivalité « pro-amateur » elle existe dans toutes les pêches, mais ici tout est passionnel ».


La pêche de nuit


En 1993, à l’appel de Carpe Magazine, 3000 carpistes signent la pétition que Christian Gustin remet à Camille Solhelac, président de l’UNPF. Après consultation du Conseil supérieur de la pêche et de l'Union nationale des pêcheurs, il a été permis aux préfets d'autoriser de façon dérogatoire la PDN dans les eaux de 2e catégorie par décret n°93-120 du 15 décembre 1993 (modifié puis codifié dans le code de l'environnement sous l'article R436-14).


Dis comme cela, avoir la pêche de nuit pourrait sembler facile, encore faut-il (aujourd’hui encore) obtenir localement, secteur par secteur, l’aval de l’AAPPMA et de la fédération concernées pour que les services de l’État soumettent les arrêtés à la signature du préfet.




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