Les indicateurs de touche
- Eric Deboutrois
- 9 févr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 févr.
Les premiers indicateurs de touche visuels furent les flotteurs fixés sur la ligne pour indiquer la moindre tirée. Lorsqu’on pêche la carpe, les touches sont suffisamment rares pour qu’on se lasse vite de surveiller le bouchon, quand elles ne surviennent pas lorsqu’on a le dos tourné. D’ailleurs comme on pêchait relativement près de sa bordure à cette époque, par la force des choses, il était judicieux, si on voulait avoir des touches, de se mettre en retrait. Cela ne permettait pas toujours d’observer le bouchon ou le scion frétiller.
On en vint donc a mettre un morceau de papier alu (ou de polystyrène) près du moulinet, ce qui n’était pas toujours pratique en cas de vent, et encore moins lorsqu’on s’assoupissait ou que l’on pêchait de nuit (ce qui était autorisé en Angleterre). De jour on aurait pu se satisfaire du cliquet bruiteur du moulinet lorsqu’il en était équipé, mais on pensait que freiner la ligne pouvait rebuter les carpes méfiantes (on pêchait avec des montages coulissants, généralement peu ou pas plombés), avant qu’on ne pense à faire usage d’accessoires électriques, lampes et avertisseurs sonores.
Les premiers bricolages
En Angleterre c’est logiquement du côté du Carp Catcher’s Club que l’on retrouve trace de ces premiers indicateurs électriques.
C’est à Maurice Ingham qu’est attribué, dans un article paru en octobre 1949 dans Fishing Gazette, le premier bricolage reliant les fils d’une lampe torche à un contacteur d’un coté et à la flasque du moulinet de l’autre. Ainsi, à chaque tour de bobine la lampe s’allumait.
Quant à Richard Walker on trouve le dessin du modèle qu’il utilisait en fin du livre de « B.B ». La ligne coincée entre deux languettes métalliques se libérait à la touche, permettant ainsi le passage du courant électrique qui allumait une ampoule ou un buzzer en continu.

Le Heron
Quand on s'attarde sur le dessin ci-dessus, et forts de nos habitudes d’aujourd’hui, on comprend que Walker ait eu l’idée de faire reposer la canne directement sur le détecteur, celui-ci fixé sur une pique (bank-stick). Mais il a été plus loin en améliorant le principe des languettes grâce une antenne (tige) décentrée qui venait fermer le circuit électrique uniquement lorsqu’un poisson tirait sur la ligne et revenait à sa place ensuite, évitant ainsi un buzz continu.


C’est en exploitant cette technologie que les premiers détecteurs ont été commercialisés de 1957 à 1970 par Jack Opie, propriétaire de la société Metal Pressing LTD. Le modèle a été imité et amélioré jusqu’à la fin des années 1970. C'est ainsi que Del Romang, qui a créé avec Kim Donaldson la société Delkim, a upgradé la sensibilité du Heron et l’a repeint en noir pour le vendre sous l’appellation Delkim Heron Conversion.

La bataille Optonic vs Delkim
Après avoir fait l’objet d’améliorations continues durant une vingtaine d’années, la technologie des détecteurs a changé avec l’arrivée sur le marché de l’Optonic sensor. Fabriqué par Sundridge (Efgeeco) le principe de fonctionnement reposait non plus sur un contacteur physique mais sur une roulette entraînée par le fil, dont les pales passaient devant une cellule infra-rouge. Mais l’Optonic consommait beaucoup de piles et ne sonnait pas fort, à tel point que les pêcheurs hésitaient à dormir.
Fort de son expertise, Del Romang a été sollicité par ses amis pour rendre le modèle plus performant et a sorti le Delkim Conversion. Il a ajouté une protection contre les intempéries, des LED et un haut-parleur GPO produisant un son unique très fort (avec contrôle du volume et de la tonalité), des commutateurs à lames et un petit aimant sur l’axe de la roue. Cet aimant servait à mettre le circuit sous tension, ensuite la détection se faisait par le biais de 4 pales qui coupaient la lumière, économisant ainsi la batterie.


Sundridge -Optonic) avait réagi en upgradant ses modèles HI-LO, tout d’abord en augmentant la puissance du haut-parleur et en ajoutant un réglage de volume avec le Special Compact, puis un réglage de tonalité et la mémorisation de la touche pendant 10 secondes avec le Super Compact et a finalement engagé une bataille juridique avec Delkim, qu’elle emportera en 1986.


Pendant ce temps là Steve Neville et Graham Parson travaillaient sur des modèles qui allaient devenir cultes.

Dans les années 1990, l’offre s’est multipliée avec les AVA systems, les Viper de Bi-Tech, les Rollimat de Cormoran, les Typhon d’Eurocasting pour n'en citer que quelques uns.



Au début des années 90, certains détecteurs avaient de réels soucis de fiabilité, des coques de piètres qualités ou craignaient la pluie (comme les Typhon pour ne pas les citer). Je me rappelle que certains de mes camarades devaient les coiffer d’un culot de bouteille plastique, par dessus les cannes, pour remédier à ce problème.
Les Basic Carp sounder
Pragmatique, j’avais vite opté pour les premiers Basic Carp sounder, dessinés et réalisés par l’allemand Hellmut Flauger (le père de Thomas) car 100% étanche et quasiment indestructibles. Commercialisé à partir de 1991, le Basic porte bien son nom puisqu’il n’a aucun interrupteur (c’est une tirette qui bloque et débloque la roulette), aucun bouton de réglage (si ce n’est un bouchon en caoutchouc qui atténue le son du buzzer), il ne consomme quasiment pas de pile et coûte vraiment peu cher, mais il fait « bip » et c'est basiquement ce qu'on lui demandait ! Ce furent mes premiers détecteurs et ils fonctionnent toujours 35 ans plus tard !

Les Delkim Ev, TXi, Fox TXR
Quant à Del Romang, il poursuivra seul l’aventure Delkim mais en fabriquant ses propres détecteurs cette fois ci. Il innova en ayant l’idée d’utiliser la détection par vibration, inspirée du fonctionnement d’un stylet de tourne-disque, dont il déposera le brevet en 1992. Lorsque le palpeur en forme de Y sur lequel repose la ligne vibre, un capteur piézoélectrique génère un signal électrique que traite ensuite l'électronique du détecteur. Le Delkim EV était né.

Pour plus de discrétion et pour mieux entendre les touches sous l’abri, il était alors possible de raccorder les détecteurs à une centrale déportée à fil, avant que Delkim (avec les adaptateurs-émetteurs TX2000 et le récepteur RX2004, remplacés ensuite par les TXi) et Fox (TXR) ne mettent sur le marché des centrales sans fil permettant de répercuter les touches à distance.
La technologie digitale
L’évolution de l’électronique avec le sans-fil, l’hyper connexion et la digitalisation, n’a désormais de limite que le prix et l’imagination des fabricants. Les détecteurs peuvent avertir le pêcheur de façon différente (son et couleur) selon qu’un poisson tire sur le fil ou le détend. Au delà de la première impression d’une option gadget, c’est loin d’être inutile. Certains sont couplés à une lampe qui s’allume de nuit pour éclairer l’abri ou l’environnement. D’autres intègrent un système antivol et détectent les mouvements. Beaucoup ont une prise jack pour raccorder un swinger lumineux, qui fonctionne parfois avec de la fibre optique.
Les détecteurs digitaux sont le haut de gamme depuis 2023. Couplés à un microprocesseur ils permettent une détection toute aussi précise mais aussi et surtout des réglages complètement personnalisables. La marque Rippton a sorti en 2023 des détecteurs connectables aux smartphones via Bluetooth. Le Delkim TXI D (D pour digital) permet une retranscription des informations hyper personnalisable, ce qui demande néanmoins un peu d’entraînement. Le Fox RX+, très pratique et plus intuitif avec une molette indexée pour chaque fonctionnalité (sensibilité / volume / tonalité) et deux boutons pour les autres réglages (couleur des LED etc). Enfin le Nash Siren R4, déjà programmé pour répondre à trois situations précises et éliminer ainsi un maximum de fausses touches. Le premier mode détecte la vitesse de la tirée (1cm/s, 2cm/s), le second la longueur de la tirée pour éliminer les fausses touches en cas de vagues ou de pêche en bateau (tirée de 15, 30cm) et un troisième mode pour éliminer les touches liées aux herbiers dérivants. Ces modèles préfigurent ce que deviendront très probablement à l’avenir les détecteurs pour intégrer tous les cas de figures possibles et imaginables, comme ce fut le cas pour les touches à revenir.
Le made in Japan
Pour le fun, les indicateurs de touche et la centrale de Yoshihiro Mune, en pêche à Osaka.





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